mercredi 26 juin 2013

extrait...


Je me souviens que le mot n’était prononcé que lorsqu’on parlait de nourriture: les brochettes de foie d’agneau, le couscous, la marga, on mange une ptite kemia !… En “Algérie”, c’était toujours “différent”, toujours “mieux”. Mais je ne savais pas trop où c’était ça, l’Algérie…Pourquoi chez moi on mange du couscous aux fêtes de famille?
Un jour j’ai compris que ce n’était pas la France. Que c’était plus loin sur la carte… Là bas…Là bas, apparemment c’était mieux. Mais pourquoi sont ils là alors? 

Puis l’enfance s’est effacée, ces questions là aussi. Personne n’en parle. On parle beaucoup mais pas de ça. Puis un jour, mon grand père. Maladie de la mémoire. Psff, tout s'efface...  Ses trois derniers mots prononcés ont été en arabe. Et là les langues se sont déliées…

lundi 24 juin 2013

au Camp de Bias, Lot et Garonne en 2012 avec Monsieur M.


Le peu de harkis qui ont eu de la chance d’être rapatriés par des officiers de l'armée française qui ont désobéi  aux ordres, ceux là sont arrivé en 62, à  Rivesalte, Marseille, et dirigés en France. Le camp de Bias, c était déjà un camp militaire. Y a eu les espagnols qui ont fui le franquisme, les indochinois, enfin j'veux dire les vietmaniens... Et après 62, ils savaient pas où nous mettre! Moi j'avais 8 ans. 

Le camp de Bias, on était presque 2000, le camp était plus peuplé que le village de Bias. Le maire de Bias, si à l époque, on se serait présenté il aurait été harki...On avait le droit de vote mais bon on savait pas lire pas écrire. Et puis y a eu cette politique de peur: " si vous êtes pas tranquilles on vous renvoie en algérie!". 

Le directeur du camp était un ancien officier de l’armée française. C était une discipline militaire. Donc euh… c ‘était une administration coloniale…voilà on peut dire ça
-       c est drôle on voit pas loin que c'est un camp de gens du voyage..

-       y avait 22 bâtiments comme ceux…

ce bâtiment là, c était l administration et l'habitation du directeur. Faut savoir qu'eux à l époque avaient le chauffage central au gaz, entre parenthèse entre guillemets, les français! eux ils avaient le chauffage central au gaz, et nous on avait une brouette de charbon par mois pour se chauffer.

Y avait un portail là, là , un gardien vous pouviez pas rentrer comme vous voulez. Un  gardien un ancien harki... Fallait montrer patte blanche: "carte d identité, chez qui vous voulez aller"... Le courrier était distribué par rassemblement n'y avait pas de boîte à lettre, pas d'intimité, et les douches, on avait une douche par semaine, samedi pour les hommes, dimanche pour les femmes. Et fallait payer 50 centimes par personne.

Faut savoir qu'il avait entre 12000 et 15000 personnes qui sont passées par ce camp. Tous les vieux sont tous décédés.
une voiture passe, un homme ouvre sa fenêtre
-Bonjour Monsieur! 
- La bes? 
- C' est une fille, fille ou petite fille ?
- Petite fille.
- Petite fille de pied noir, qui essaie de retracer un peu l'histoire de la communauté
 - Tu fais une thèse desssus?
- Je fais un travail de recherche en vue d'un spectacle...

Rêve


Il fait gris, et frais... je ne suis pas assez couverte.
Le port qui m’entoure est un lieu quasi désaffecté, une friche industrielle presque…
L’endroit est immense et vide.
J’avance entre les murs gris. Seule, hésitante. 
Des punks à chiens enivrés m’indiquent une direction que je ne comprends pas.
J’essaie de sortir de cette zone portuaire désaffectée et je n'y parviens vraiment. Je me retrouve subitement sur une route de campagne. Une route de campagne belge, car le ciel est bas. 
Rien à l’horizon sauf une famille de Hollandais faisant du vélo. J’essaie de les suivre à vélo, oui bizarrement j'ai un vélo. Mais ils vont trop vite, ils me sèment et je ne comprends rien à ce qu’ils disent…
Je reviens donc sur mes pas, dans le grand port désaffecté et descends un grand parking sombre qui ressemble à un parking de centre commercial. J'arrive enfin sur un port. Un port sans bateau. Un bateau qui devait embarqué pour l’Algérie…

vendredi 1 mars 2013

La Casbah









Une vraie journée algérienne...

Enfin la vraie Alger se dévoile...
La recherche d'un véhicule de location est un travail de longue haleine. Après deux matinées à sillonner les rues de Champ de manœuvre en quête d'une auto pour me rendre à Sétif, après dix portes closes, et trois  Machech voitures,Walou... Tahar et moi croisons son ami Mourad qui, peut être, connait quelqu'un qui connait quelqu'un qui loue sa voiture... Un café en terrasse sur la rue Didouche s'impose donc, il est 11h, le soleil bat son plein, mais le temps est compté.
Après quelques appels, nous devons attendre le coup de téléphone du loueur, la seule solution si cela ne marche pas serait de partir à Sétif, seule en bus ou en taxi...
Comme on dit ici, le Mektoub... Faire les choses quand on le sent. Si je ne vais pas à Sétif, il y aura surement autre chose. La location tombe à l'eau, le taxi seule ne met tente guère... Le bus avec son système de collage,  comme on dit ici, non plus. Le collage c'est en fait profiter des secousses du bus pour se coller à une femme, ou un homme. C'est une pratique très courante, surtout pour les hommes...Donc Sétif sera pour un autre voyage. Je continue mon enquête avec de nouveaux éléments, deux personnes à contacter à Marseille...

La Casbah, authentique...Bab Oued... Un denier thé ce matin sur la terrasse du Tantonville, et déjà Alger je te quitte...


Quartier Fort de l'Eau et Lavigerie

Fort de l'Eau

Une villa à Fort de l'Eau

Vue du quartier Lavigerie


Rue Lavigerie

mercredi 27 février 2013

Tom Sawyer au pays des hommes...

C'est bon, j'ai déjà un surnom, Tom Sawyer!Le bonnet de lutin, porté pour passer inaperçue parmi les hommes, fait beaucoup rire mes deux amis...
Grâce à eux d'ailleurs, je me fonds complètement dans les bars pour hommes.

Aujourd'hui, c'était le Perroquet, bar restaurant bien connu depuis plus de cinquante ans et fréquenté uniquement par des hommes. On y boit et on y fume beaucoup, accessoirement on y mange aussi, et très bien. Je salive encore des sardines à l'apéritif. En passant la porte, une atmosphère enfumée et masculine m'accueille gentiment du regard, qui d'ailleurs est assez furtif, comparé aux regards habituels... Monsieur M. nous invite à sa table déjà occupée par deux autres hommes d'un certain âge... très vite, nous faisons connaissance et ils semblent ravis de ma démarche, l'un d'eux est natif de Sétif... Je suis entourée de francophones, ils corrigent mes erreurs grammaticales et parlent le "français de Molière" mieux que quiconque. Monsieur M., cheveux blancs, sourire espiègle et yeux pétillants, me confirme que l'apéritif, "bien conservé de l'époque des français", est le moment où tout se règle. Sur ce, il invite Monsieur A., son collègue cinéaste assis une table plus loin, à nous rejoindre. Lui aussi de Sétif! Il prend les choses en main: " note moi les informations de ta famille sur une feuille, je reviens dans cinq minutes."...Seulement deux minutes plus tard, il revient et me demande de noter le numéro de Monsieur Ben D. à Sétif, qui m'attend dès le surlendemain à Sétif. Il connait bien la famille Tomas. Un certain Tomas, cheveux blancs en brosse, était directeur de l'école près de l'avenue de la gare. "Oui, c'est surement Philippe Tomas, le frère de Papi, qui était instituteur." Notre convive sétifien pousse un petit cri de surprise: "C'était mon directeur! A l'école de la Cité Levi!"

 Le repas se poursuit dans la liesse, moi heureuse de cette première pêche fructueuse, et de cette rencontre si riche. Nous échangeons longuement sur notre histoire commune, nous ironisons de la Planète des hommes, car précisons, j'étais évidemment la seule femme dans ce café invisible de l'extérieur...
Je pars donc vendredi à Sétif...Les photos dans ma poche et ma famille encrée dans mon coeur...
La mémoire est un drôle de chemin. La nostalgie de ma grand mère a fait surface en moi aujourd'hui avec ces retraités. Le soleil d'Alger, ces rencontres...

Je ne sais plus bien les raisons de mon voyage, mais ce que j'y rencontre me dit de revenir et qu'une partie de mon coeur se situe ici, sur cette terre... Parfois on ne se l'explique pas... Cette sensation de déjà vu, déjà senti...

mardi 26 février 2013

une maison à Fort de l'eau

bidonville en allant vers El Harrache

La planète des hommes...

El Harrache, le marché, Lavigerie l'enquête ... Monsieur Claude, le gaouli de Lavigerie ne connaissait pas Mr Tomas, peut être plus de chance jeudi à Sétif...

lundi 25 février 2013

Premier jour dans Alger, les places sont toutes empruntes d'une histoire...
Le Tantonville, déjà mon QG. En face du Théâtre National, lieu historique du centre, sa terrasse accueille les artistes, les femmes, les vieux, tout le monde...Je lis El Watan en prenant le soleil...
Aujourd'hui j'ai vu le quartier de Maison Carrée et Lavigerie où Lucien Tomas, mon grand père a travaillé dans un atelier de chauffagerie/plomberie. Nous demandons à un vieil épicier si il se souvient de cette chauffagerie de la rue, alors l'enquête commence. I nous envoie chez un cousin, qui lui même est le père d'une journaliste que mon ami connait... Lui nous envoie chez un homme plus âgé, Mr S., qui était là dans les années 50 et travaillait comme maçon. Maçon...Chauffagiste...Monsieur S. devrait se souvenir de ses vieux collègues...Vu la pluie battante aujourd'hui sa petite boutique est fermée, nous reviendrons demain...



dimanche 24 février 2013

Alger la nuit

Réfrigérée dans la cabane à fumeur du Terminal 2E, je me protège du vent avec deux maliens.
Il se réjouissent de retourner au soleil tout en ironisant sur leur retour dans une zone "rouge" déconseillée "aux français comme vous", me précisent ils...Nous plaisantons sur la hausse des prix de l'otage dans la région, et ils me laissent en me souhaitant bon voyage en Algérie et surtout de faire attention...

J'arrive à Alger sous une pluie battante, et rejoins mes deux contacts, Tahar et Reda, les deux anges gardiens! La soirée n'est pas finie, nous filons manger quelques brochettes dans le quartier de Bach' Djaraw. Pour y accéder, nous partons en voiture, inévitable pour se déplacer le soir à Alger. Bab El Oued, puis plus loin encore Bach' Djaraw, où des bidonvilles sur les hauteurs  narguent la méditerranée...
Le petit snack de grillades accueillent principalement des hommes, surtout en soirée. Mais la présence de mes deux comparses ravisent les curiosités et nous mangeons tranquilles, moi heureuse de déguster les meilleures brochettes de foie de mouton de ma vie...

Pour une bonne soirée algéroise, rien de tel qu'un changement radical d'ambiance...
Une porte cachée à deux pas de mon hôtel abrite Le Granada où à ma grande surprise, il y a DES FEMMES!!!!! Jeunes artistes, journalistes boivent et fument en écoutant du bon RaÏ et les Beatles...

 Je rejoins ma chambre en écoutant Nagat... Vue sur l'Institut français, la Grande Poste et m'endors saoule d'images et de sensations nouvelles... 

jeudi 21 février 2013

Enquête d’une petite fille de « pied-noir » sur son histoire.


Autour de la Guerre d’indépendance de l’Algérie, les petites et les grandes histoires se rencontrent.        
Depuis plusieurs années, je m’interroge sur la période de la Guerre d’indépendance de l'Algérie, où trois générations de ma famille sont nées.Ce questionnement est parti de l’oubli. Les souvenirs s’effaçaient chez les plus âgés, alors j’ai voulu creuser, prendre le relai de la mémoire.

29 ans, c ‘est l’âge de ma grand mère au moment où elle quitte l’Algérie avec sa famille: ma mère, ma tante et mon grand père.
C’est mon âge aujourd’hui.
Depuis plusieurs mois, je l’interroge ainsi que d’autres personnes qui ont vécu cette période. Je collecte des témoignages. Pied-noirs, harkis, anciens moudjaddins…
Je veux partir là bas. A Alger la blanche. A Sétif, où ma mère est née.
La question m’a souvent été posée au cours de ces derniers mois :
D’autres encore ont dit : “Mais qu’est ce que tu vas dire de plus que tous les documentaires? ”.
Alors se pose la question de la légitimité de cette prise de parole.
Et puis, on ne se la pose plus, parce qu’en parler, et essayer de le faire honnêtement, c’est déjà y répondre un peu.

“-Mais pourquoi t’intéresses-tu à l’Algérie?-Parce que ma mère est née là bas…-Mais qu’est ce que tu vas faire avec tous ces témoignages?- Un spectacle sur la guerre d’Algérie, hum, ça va pas être drôle!...”
Samedi, je pars à Alger.
Je tiendrai un carnet de bord numérique. 
A suivre...